La Défense de la Qualité

 Conflits Entre la Qualité et la Quantité 

La qualité revêt différents sens selon le contexte, mais dans le domaine des produits manufacturés, elle représente la pierre angulaire de la confiance des consommateurs et de la durabilité des entreprises. L'évolution de la notion de qualité a suivi l'histoire industrielle, passant d'une simple conformité aux normes à une approche holistique garantissant la sécurité, l'efficacité et la satisfaction des clients. Défendre la qualité signifie donc promouvoir ces valeurs et les mettre en pratique dans son activité professionnelle.

 

Le responsable de la qualité se bat contre le responsable de la production pour défendre la qualité dans la production
La défense de la qualité

La fabrication de médicaments ou d'aliments constitue un domaine complexe où se croisent impératifs éthiques, réglementations strictes et pressions économiques. Au cœur de ce paysage, un conflit perpétuel oppose les défenseurs de la qualité aux partisans de la quantité, souvent incarnés par les chefs d'entreprise, les responsables de la production, voire les PDG. En conséquence, les professionnels de l'assurance qualité se retrouvent fréquemment engagés dans une lutte constante pour maintenir des normes élevées face aux pressions incessantes en faveur de la production de masse. Comment garantir la qualité, l'efficacité et la sécurité des produits tout en restant compétitif et rentable ? C'est une question pertinente ! Toutefois, pour y répondre, il est nécessaire d'explorer en profondeur les origines de ce conflit, les enjeux, les positions divergentes des acteurs impliqués et les implications dévastatrices de la non-conformité. Bien entendu, il faudra également rechercher des solutions possibles pour concilier ces deux impératifs.

1.  Les origines de la confrontation

Le conflit entre la qualité et la quantité dans la fabrication n'a pas une origine spécifique et n'est pas associé à une date ou une époque précise. C'est un défi qui a émergé au fil de l'histoire industrielle, à mesure que les entreprises ont cherché à augmenter leur production pour répondre à la demande croissante tout en maintenant des normes de qualité.

Avec le temps, la croissance économique, la concurrence accrue et les pressions du marché ont souvent conduit à des tensions entre les objectifs de production de masse et les impératifs de la qualité. Les enjeux éthiques, réglementaires et économiques ont continué à évoluer, donnant lieu à un débat constant entre la quantité et la qualité. Ainsi, il n'y a pas de point de départ unique pour ce défi, mais plutôt une évolution continue au fil de l'histoire industrielle.

Il est capital de noter que les motivations des deux parties, à savoir les dirigeants et les partisans de la qualité, peuvent varier en fonction des situations, des secteurs d'activité, des cultures d'entreprise, et ainsi de suite. Quelles que soient les raisons alimentant ce conflit, qu'elles soient justifiées ou non, la sécurité des patients et des consommateurs demeure primordiale et doit être priorisée au-dessus de tout autre objectif, y compris les objectifs financiers. Les deux parties ont la responsabilité de sauvegarder la santé humaine en veillant à ce que les normes de qualité soient respectées. Elles ne doivent pas céder aux pressions. Il est impératif qu'elles soient conscientes des risques liés à la mise sur le marché de produits non conformes et qu'elles s'efforcent de communiquer efficacement entre elles afin d'évaluer les risques et les conséquences de leurs actions.

Cependant, il est possible d'explorer quelques raisons potentielles pouvant expliquer le pourquoi des choses.

Certains dirigeants exercent une pression sur les responsables du contrôle qualité et de l'assurance qualité pour les pousser à fermer les yeux sur certaines anomalies pouvant entraîner des non-conformités des produits fabriqués en usine. Les raisons possibles peuvent être les suivantes :

a)    La recherche de profit 

Les dirigeants sont souvent jugés sur leur capacité à générer des revenus et des bénéfices pour leur entreprise, et à satisfaire les attentes des actionnaires. Ils peuvent donc être tentés de privilégier la quantité à la qualité, et de réduire les coûts liés au contrôle et à l’assurance qualité. Ils peuvent aussi vouloir éviter de gaspiller des ressources en rejetant ou en rappelant des produits non conformes, ou en payant des amendes ou des indemnités en cas de litige avec les clients.

b)   La pression du marché 

Les dirigeants doivent faire face à une concurrence accrue, à des exigences normatives complexes, à des demandes clients volatiles, etc. Ils peuvent donc chercher à accélérer le processus de production et de distribution, et à réduire le temps de mise sur le marché. Ils peuvent aussi vouloir se différencier de leurs concurrents en proposant des produits innovants ou personnalisés, quitte à prendre des risques sur la qualité.

c)    Le manque de vision 

Certains dirigeants peuvent avoir une vision à court terme, qui ne prend pas en compte les conséquences à long terme d’une mauvaise qualité. Ils peuvent négliger l’importance de la qualité pour la fidélisation et la satisfaction des clients, pour la réputation et l’image de marque de l’entreprise, pour la motivation et l’engagement des employés, etc. Ils peuvent aussi ignorer les opportunités d’amélioration continue et d’apprentissage organisationnel que peut offrir la qualité.

d)   Des raisons de délais 

Les dirigeants peuvent être sous pression pour respecter des délais de livraison serrés. Ils peuvent donc être tentés de forcer l'assurance qualité à libérer des produits non conformes, même si cela signifie prendre des risques. Par exemple, un directeur d'usine peut être tenté de libérer un lot de produit en cours d'investigation, suite à un résultat du contrôle qualité douteux, si cela lui permet de livrer les produits à temps pour une date importante, comme la fin d'un trimestre. Il pourrait alors tenter de convaincre l'assurance qualité de procéder à des libérations partielles du lot, en créant des déviations et des garde-fous supplémentaires, sans perdre l'objectif de pouvoir rappeler le lot en cas de non-conformité avérée.

e)    Des raisons de culture d'entreprise 

Les pressions exercées par les dirigeants peuvent également être dues à une culture d'entreprise qui valorise la production et la rentabilité au détriment de la qualité. Dans ce type de culture, les responsables du contrôle qualité et de l'assurance qualité peuvent être perçus comme des obstacles à la productivité et aux profits.

f)     La perception du contrôle qualité chez les dirigeants :

La perception du contrôle qualité peut varier d'un dirigeant à l'autre, et il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles certains d’entre eux ne reconnaissent pas immédiatement l'importance de cette fonction, car ils sont souvent axés sur les résultats financiers à court terme et peuvent voir le contrôle qualité comme un centre de coûts plutôt que comme une valeur ajoutée. De ce fait, ils peuvent ne pas comprendre comment le contrôle qualité peut prévenir des coûts bien plus élevés liés aux rappels de produits, aux amendes et à la perte de clients, sans parler des dommages à la réputation ou de perte de parts de marché à long terme.


Ces raisons ne sont ni exhaustives ni exclusives. Elles doivent être nuancées selon le contexte et les circonstances, évitant ainsi de généraliser toutes les situations, ne mettant pas tout le monde dans le même bain. Certains PDG, dirigeants, et responsables de production font preuve de responsabilité et d'éthique, valorisant la qualité comme un facteur clé de succès pour leur entreprise. Ils soutiennent et encouragent les responsables du contrôle qualité et de l'assurance qualité dans leur mission, leur fournissant les moyens et les ressources nécessaires pour garantir la conformité, la satisfaction client, et l'amélioration continue des produits ou services.

Un aspect crucial souvent négligé dans ce conflit, est la possibilité de défaillance chez les responsables gardiens de la qualité. Que ce soit par négligence ou incompétence, certains d’entre eux ne parviennent pas à ressentir l'obligation de démontrer de manière convaincante aux dirigeants, notamment au PDG, l'impact positif à long terme de leurs activités sur la valeur ajoutée, la pérennité et la réussite globale de l'entreprise.


2.  La défense de la qualité 

Les Responsables du Contrôle Qualité (RCQ) assument la responsabilité cruciale de garantir la conformité aux normes de qualité afin de protéger la sécurité des patients ou des consommateurs. Face aux pressions potentielles exercées par les départements de production ou la direction, ces responsables ne doivent pas compromettre leurs principes éthiques, même si cela entraîne des difficultés.

Le Responsable de l'Assurance Qualité (RAQ) doit être prêt à défendre ses convictions avec détermination et persévérance. En établissant une base solide avec des preuves tangibles, en identifiant les risques potentiels, en communiquant clairement et en impliquant les parties prenantes, le RAQ peut défendre efficacement la qualité du produit et contribuer à la réussite à long terme de l'entreprise. Bien que le combat puisse être difficile, la promotion de la qualité reste une priorité incontournable pour assurer la satisfaction des clients et la pérennité de l'entreprise.


Le responsable de la qualité sert la main de la responsable du controle qualité
L'assurance qualité et le contrôle qualité, ensembles pour défendre la qualité 

Néanmoins, le privilège réside dans la bonne communication et la compréhension mutuelle entre les dirigeants et les partisans de la qualité afin d’élaborer des solutions qui améliorent simultanément la qualité des produits tout en permettant une production efficace et rentable.

Convaincre les dirigeants de l'importance du contrôle et de la surveillance de la qualité peut être un défi, mais il est tout à fait possible d'influencer positivement leur perception par quelques stratégies suivantes :

a)    La définition d’une politique qualité

Il s’agit d’un document exprimant les orientations stratégiques de l’organisation en matière de qualité, aligné sur la vision, la mission et les valeurs de l’entreprise.

b)    La mise en place d’un système de management de la qualité 

Un ensemble de processus, procédures et règles basées sur des normes reconnues, telles que l’ISO 9001, pour planifier, réaliser, contrôler et améliorer la qualité des produits ou services.

c)    La réalisation d’audits qualité

Des évaluations périodiques et indépendantes du système de management de la qualité pour vérifier sa conformité aux normes, aux exigences légales et aux attentes des clients.

d)    Identifier les risques potentiels

Mettre en évidence les risques juridiques, financiers et réputationnels liés à la non-conformité des normes de qualité.

e)    Impliquer les parties prenantes

Une collaboration avec les équipes de production, les départements de vente, le service juridique et les responsables du marketing pour démontrer que la qualité est une responsabilité partagée.

f)     Utiliser des exemples concrets

Appuyer les arguments avec des exemples concrets tirés d'autres entreprises confrontées à des problèmes de qualité.

g)    La formation et la sensibilisation du personnel

Des actions pédagogiques pour développer les compétences et connaissances des employés en matière de qualité.

h)    L’analyse des données et des indicateurs

L'utilisation d'outils statistiques pour mesurer la performance du système de management de la qualité et la satisfaction des clients.

i)     Mettre en avant les normes réglementaires

Rappeler que les normes de qualité sont réglementées par des organismes officiels avec des sanctions sévères en cas de non-respect.

j)     Proposer des solutions alternatives

 Collaborer pour trouver des solutions répondant aux objectifs de vente tout en maintenant un niveau élevé de qualité.

k)    Renforcer le rôle de l'assurance qualité

 Mettre en valeur l'importance de l'assurance qualité dans le processus de fabrication et dans la satisfaction des clients. 

Le Responsable Contrôle Qualité (RCQ) joue un rôle complémentaire essentiel pour soutenir le Responsable Assurance Qualité (RAQ) dans la préservation de la qualité des produits, en particulier lorsqu'il fait face à des pressions pour prioriser les ventes au détriment des normes de qualité. Voici comment le RCQ peut contribuer efficacement :

l)     Surveillance continue des processus

 Le RCQ surveille en permanence les processus de fabrication pour détecter rapidement toute déviation par rapport aux normes établies.

m)  Mise en place de systèmes de contrôle renforcés

 Proposer des systèmes de contrôle plus robustes, incluant l'utilisation de technologies de pointe, la mise à jour des protocoles de contrôle, et la formation continue du personnel.

n)    Renforcement des capacités de détection

 Investir dans des techniques de détection avancées pour améliorer la capacité de l'usine à identifier rapidement les défauts potentiels.

o)    Analyse approfondie des non-conformités

 Mener des analyses approfondies lors d’investigations pour identifier les causes profondes des non-conformités.

p)    Communication efficace

Partager des données précises sur les résultats des contrôles, les tendances émergentes et les risques potentiels pour renforcer la position du RAQ.

q)    Collaboration interdépartementale

Collaborer étroitement avec le RAQ pour partager des informations, aligner les objectifs et travailler ensemble pour garantir le respect des normes de qualité.

r)     Formation et sensibilisation

Contribuer à la formation du personnel sur l'importance de la qualité et des normes pour créer une culture où la qualité est une responsabilité partagée.

 

En somme, la collaboration entre le responsable contrôle qualité et le responsable assurance qualité est cruciale pour maintenir des normes élevées de qualité des produits, même dans des contextes où la pression commerciale peut être intense. Leurs efforts combinés contribuent à assurer la sécurité des produits, la satisfaction des clients, et la préservation de la réputation de l'entreprise. En cas de sanctions injustifiées ou abusives, le RCQ et le RAQ doivent être prêts à signaler ces pratiques aux autorités compétentes et chercher un soutien auprès de leurs collègues et de leur organisation syndicale ou professionnelle pour faire face aux défis éthiques et professionnels.


3.   Solutions de réconciliation possibles 

La tension entre la qualité et la quantité dans la fabrication de médicaments et d'aliments est en effet un défi majeur, mais il existe des approches pour concilier ces impératifs. 


Le responsable du contrôle qualité et le responsable de la production se serrent la main en faveur de la qualité
Réconciliation entre le responsable de la qualité et celui de la production en faveur de la qualité

Voici, sur le tableau suivant, quelques suggestions pour réconcilier les acteurs tels que les dirigeants et les partisans de la qualité, ainsi que les contributions potentielles de chacun pour résoudre ce problème :

 

 

Solutions possibles pour la réconciliation

 

 

Actions

Dirigeants

 

Actions

 Défenseurs de la qualité

 

1

Culture de la Qualité

 

- Promouvoir une culture d'entreprise axée sur la qualité, mettant l'accent sur la satisfaction du client et la sécurité des produits.

- Intégrer les objectifs qualité dans les objectifs stratégiques de l'entreprise.

- Encourager la formation continue du personnel pour renforcer les compétences en matière de qualité.

 

- Sensibiliser le personnel à l'importance de la qualité et aux conséquences de la non-conformité.

- Faciliter la communication ascendante pour remonter les problèmes de qualité aux niveaux appropriés.

 

2

Collaboration et Communication

 

- Établir une communication ouverte avec les équipes de qualité pour comprendre les défis auxquels elles sont confrontées.

- Encourager la collaboration entre les départements de production et de qualité.

 

- Communiquer de manière proactive sur les avantages de la qualité en termes de réputation, de conformité réglementaire et de fidélité client.

- Proposer des solutions pratiques pour améliorer la qualité sans compromettre la productivité.

 

3

Investissements dans la Technologie

 

- Investir dans des technologies avancées qui améliorent à la fois la qualité et l'efficacité de la production.

- Allouer des ressources pour la mise en œuvre de systèmes de gestion de la qualité robustes.

 

- Mettre en avant les retours sur investissement à long terme des initiatives qualité, notamment en termes de réduction des coûts de non-conformité.

4

Approche Risque-Bénéfice

 

- Comprendre les risques potentiels associés à la recherche de rendements excessifs au détriment de la qualité.

- Éduquer les parties prenantes sur les conséquences financières et réputationnelles de la non-conformité.

 

- Proposer des analyses de risques détaillées pour montrer les avantages à long terme de maintenir des normes élevées.

 

5

Conformité Réglementaire

- Prioriser la conformité réglementaire et démontrer l'engagement envers des normes éthiques élevées.

 

- S'assurer que les processus respectent les normes réglementaires et identifier proactivement les domaines à risque.

 

6

Innovation Continue

- Encourager l'innovation continue pour trouver des moyens d'améliorer à la fois la qualité et la productivité.

- Proposer des idées novatrices pour améliorer les processus de fabrication tout en maintenant des normes élevées.

 

 

Mot de l’auteur

"Dans l'industrie pharmaceutique, la recherche d'un équilibre délicat entre la qualité et la quantité est un défi constant auquel les entreprises sont confrontées. D'un côté, la qualité des médicaments est primordiale pour garantir l'efficacité et la sécurité des patients. De l'autre, les impératifs de production et de rentabilité poussent les entreprises à viser des volumes toujours plus élevés. Pourquoi ce conflit existe-t-il ? La réponse réside dans la nature même du secteur pharmaceutique. La mise au point d'un nouveau médicament nécessite des années de recherche, de tests et d'investissements considérables. Une fois le produit sur le marché, les entreprises cherchent à maximiser les retours sur investissement en augmentant la production. Cependant, ce désir de quantité ne doit pas se faire au détriment de la qualité, sous peine de conséquences désastreuses pour les patients et pour la réputation de l'entreprise. Comment défendre la qualité dans ce contexte ? La clé réside dans une approche rigoureuse et transparente tout au long du processus de fabrication. La collaboration entre les responsables du contrôle qualité et de l'assurance qualité est décisive pour maintenir des normes élevées, et des solutions de réconciliation sont proposées pour concilier les impératifs de production avec le respect des normes. La défense de la qualité reste une priorité incontournable pour garantir la satisfaction des clients et assurer la réussite à long terme des entreprises.Cet article explore les racines du conflit, les pressions exercées sur les professionnels de la qualité qualité, et les motivations des dirigeants. Nous mettons en lumière l'importance de cette réconciliation dans la préservation de la confiance des consommateurs et la durabilité des entreprises."

Reda LOURGUIOUI

 

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